jeudi 4 avril 2024

Mon p'tit journal sur la poésie, 11 juin 2021 - 13 décembre 2022

 

Vendredi 11 juin 2021

Relu Entrevoir de Paul de Roux, préfacé par Guy Goffette. La lumière, les saisons et leurs couleurs d'arbres et de feuilles, toutes sortes d'animaux traversent une douce mélancolie hantée parfois par Dieu ou un visage de femme aperçu. Et le Temps, avec majuscule, s'amenuise. Ecriture simple, presque nue, mais avec des enchâssements comme des apartés. Beau.

Samedi 19 juin 2021

Terminé Le livre de la neige de François Jacqmin. Une poésie philosophique de l'effacement de la pensée et du sujet.

Mercredi 11 août 2021

Terminé Regain du sang* d'Emmanuel Damon. Une poésie symboliste orientée vers la joie à l'épreuve des éléments premiers du monde. Beau.

Vendredi 17 septembre 2021

Terminé Les mots étaient des loups de Vénus Khoury-Ghata. Une écriture à nulle autre pareille. Et un univers où les morts croisent les vivants dans l'ordinaire des jours cependant que tous les éléments et toutes les choses prennent aussi bien la parole que les entités. Une poésie qui conte et raconte avec le secours de toutes les mythologies païennes et religieuses, orientales occidentales.

Mardi 21 septembre 2021

Terminé Les coupures invisibles de Natalia Litvinova. Une Ukrainienne écrit en espagnol depuis Buenos Aires. "Ecrire, c'est aller vers la blessure pour la soigner avec du poison." 

Vendredi 6 mai 2022


Terminé Conspiration du réel* de Grégory Rateau. Très bien, souvent rimbaldien. 

Jeudi 7 juillet 2022

Terminé Ceux qui vont par les étranges terres les étranges aventures quérant* de Claude Favre. Sur les migrants, tous les miséreux de la terre. Souvent bouleversant dans la langue même, suffoquée. 

Mercredi 3 août 2022

Terminé Tant suivre les fuyards de Jacques Vandeschrick. Toujours ce lyrisme premier voire inaugural.

Dimanche 6 novembre 2022

Terminé Corps habitable* de Michel Bourçon. 

Vendredi 18 novembre 2022

Terminé Cavale russe de Célestin de Meeus. Un voyage de retour plutôt que d'aller, de Vladivostok à Ostende. On pense évidemment à Cendrars  mais c'est très contemporain et beau.

Jeudi 8 décembre 2022

Terminé Territoires approximatifs* de Jean-Christophe Belleveaux. Beau.

Mardi 13 décembre 2022


Terminé le très beau Contre-fugue* de Mila Tisserant.

Les titres suivis d'une étoilette sont chroniqués sur ce blog.

 

lundi 1 avril 2024

Claude Favre & Roxana Crisologo, La débâcle du monde

Les poètes le savent aussi et le disent sans détours. L'humanité souffre de plus en plus dans notre monde à la dérive.  Les fêlures à la longue deviennent des brèches impossibles à réparer, le gouffre déjà s'ouvre au regard qui a la volonté de garder les yeux ouverts.

Dans son recueil Thermos fêlé, Claude Favre  tient la chronique des jours de guingois du 29 décembre 2014 au jeudi 19 mars 2015. Avec, en exergue, cette question terrible de Federico García Lorca : "Est-ce qu'un homme peut jamais cesser de l'être ?"  

Le lecteur retrouve les innombrables avanies qui défigurent le visage des hommes depuis les commencements de l'histoire, majuscule et minuscule. L'effet d'accumulation le mène au bord de la suffocation : réfugiés syriens sous "l'horizon engorgé", attentat contre Charlie Hebdo, génocide au Congo, agressions contre des musulmans, agressions contre des juifs, déroutes à Port-au-Prince... Puis, ici, à Ploucville où "on espère il n'y aura pas de vent", statistiques et faits divers à l'appui : la misère sociale, la faim et la soif dans les nuits froides et sans sommeil, cette horreur-là sans cesse répétée (plus de 30 000 enfants sans domicile fixe, en France, en mars 2015...)

La langue de Claude Favre, en ses proses heurtées, va et vient entre l'énoncé ordinaire et la grammaire implosée. "un peu comme un thermos fêlé - impeccable extérieurement, mais dedans rien que du verre brisé". Et l'implosion, dans le même souffle dévastateur, explose toutes les figurations. Comment se recomposer dans la banalité du mal ? Comment ne pas avoir une "tête à hurle" ? 

 

Dans son recueil Un día me iré sin llevarme nada / Un jour je m'en irai sans rien emporter, la Péruvienne exilée à Helsinki Roxana Crisólogo dresse un constat identique, de Lima à Istanbul où "quelque chose va sauter avant que la lumière vacille", de Taormina en Sicile peuplée d'enfants errants sous le soleil gluant d'huile à bronzer à Ramallah dont la moitié des oiseaux ne sont plus. Et l'auteure, non sans ironie amère, "raconte l'histoire de l'inégalité" avec, sur sa peau, les traces visibles de ses parents migrants. Cependant que dans les savanes africaines, des "chasseurs octogénaires" au ventre confortable paient de petites fortunes pour photographier des animaux qui fuient [les saisons sèches et les pesticides]. Et que, à Helsinki,  les centres commerciaux et les spas affichent leur opulence. Malgré le manque de lumière qui fait tomber les ongles.

La lucidité, cette blessure dite aveuglante, conduit Roxana Crisólogo à questionner la poésie elle-même. Sans concessions. "j'ai honoré le temps que la poésie m'avait imparti pour faire briller la vaisselle / j'ai honoré mon quota de mots de chagrin / j'ai fait malgré la poésie / et si la poésie m'avait abandonné dans la steppe / pour que j'apprenne à me défendre ?"

La langue de Roxana est magnifiquement décrite par la poétesse et cinéaste Véronique Kanor dans sa préface. "De vers libres en vers évadés", entre effacement et dévoilement, les mots ont des fulgurances suspendues qui disent oui "aux rêves des enfants" et "non au massacre du vivant". Parfois, ils "sont les chaises sur lesquelles  elle assied le monde". Pour qu'il tienne un peu. Encore un peu.

 

Extraits :

 mardi 20 janvier, si mal, n'être que, n'être pas, perdue la folie, tuer ces dessinateurs, des êtres seulement humains et leurs proches ou ceux qui les défendaient ou des Juifs pour être Juifs, ou êtres humains, on peut tuer des hommes qui rient cibles, attentats, exécutions, sale guerre des civiles délations se débarrasser de, il prenait toujours la place de parking dire qu'il n'est, qu'il a, blasphémé, c'est-à-dire, non tué, mais parlé trop de chiffres et nombres / de bouches à rire, pas le droit de vivre n'a, même mal, de guingois mon devoir le leur dois, ne jamais ni en rabattre ni en lâcher les mots, surtout pas, pour, tous ceux qui comme Charlie Hebdo, même contre, pensent libres (Claude Favre)

 

J'aime à savoir qu'il y a une personne de plus qui chemine en moi

comme un chien ancre sur mes traces

une âme accolée qui foule le sol et tousse après moi

qui tombe et se relève

qui me corrige qui me nourrit 

qui me voit dans l'avenir forcé

[son défilé de poussières]

mon côté fossile

je me tenais à la porte de ma maison dans l'attente de ce décollement

le contact visuel avec l'autre partie de moi (Roxana Crisólogo)

 

Thermos fêlé de Claude Favre est publié aux éditions L'herbe qui tremble avec des peintures de Jean Dalemans. Il coûte 15 €. 

Un día me iré sin llevarme nada / Un jour je m'en irai sans rien emporter de Roxana Crisólogo, traduit de l'espagnol du Pérou par Patricia Houéfa Grange, est publié en bilingue par l'association Kaléidoscope Laboratoire Culturel (KLAC). Il coûte 12 €. 

* Claude Favre vient de remporter le prix de poésie du Bellovidère 2024 pour son recueil Ceux qui vont par les étranges terres les étranges aventures quérant, publié aux éditions Lanskine (et chroniqué sur ce blog).

jeudi 28 mars 2024

Collectif Pour Le Moment, Du menuisier de Nevers à Lorca et Darwich

Le mercredi 26 mars au Marché des Douves à Bordeaux, le collectif Pour Le Moment a réuni une quarantaine de personnes autour de la poésie. Une belle réussite pour ce premier événement grâce à Rémi Letourneur, organisateur, interviewer et...barman.

Dinah Ribard a ouvert la soirée avec une communication simple et enjouée autour de la poésie ouvrière du 17ème au 19ème siècle. Son dernier livre longuement médité, Le Menuisier de Nevers (conjointement édité par Le Seuil et Gallimard) croise habilement histoire et sociologie, anthropologie et littérature.  Le menuisier de Nevers s'appelait Adam Billaut et sa poésie, publiée à Paris sous Louis XIV, a été célébrée jusqu'à ce que la IIIème République soit-disant égalitaire la fasse disparaître... A la même époque, la très libérale Angleterre accordait à ses poètes-ouvriers (oeuvriers pourrait-on dire) une place significative dans les manuels scolaires. Dinah Ribard démontre ainsi que "la littérature n'enregistre pas le mouvement de l'histoire : elle est une forme d'action qui transforme les voies d'accès à la parole publique et façonne l'histoire des classes sociales".

La figure haute en couleurs de Jacques Boé, dit Jasmin, (1798-1864), poète et coiffeur qui déclamait ses textes en langue d'oc devant un public nombreux est également évoquée. Ce qui permet à Dinah Ribard de tordre le cou à une idée reçue : le "petit peuple" n'était pas systématiquement analphabète. L'historiographie "officielle" du XXème siècle s'est longtemps fourvoyée en faussant la perception des inégalités... Les gens d'en haut, clercs patentés par la bénédiction divine, veillaient à ce que ceux d'en bas soient maintenus dans la crasse de l'ignorance. Les travaux de déconstruction/reconstruction de Jacques Rancière, parmi d'autres, ouvrent de nouvelles voies à nos représentations et s'avèrent salutaires à notre époque plus que jamais menacée par la misère sociale...

 

Après une courte pause arrosée de bière et de vin, les membres du collectif ont lu les textes des uns et des autres, nus ou accompagnés au piano, sans préciser le nom de l'auteur. Lequel s'efface derrière les mots. Une volonté séduisante loin des postures clinquantes à la mode et des batteurs de planches vermoulues. Le public, toutes générations confondues (autre souhait du collectif), y a été sensible.

 

Enfin, dernier moment de la soirée, un duo fascinant. Julien Gobin  à la guitare et Antoine Ricouard à la voix (espagnol, arabe et français) pour célébrer l'Andalousie. Celle du royaume de Grenade et du romancero gitano. Portée par le chant profond de Federico García Lorca, Antonio Machado et Mahmoud Darwich qui, rappelons-le, disait sa poésie devant plusieurs milliers de personnes sur des stades. Voici quelques-uns de leurs vers :

 Tierra seca, / tierra quieta / de noches / inmensas. // (Viento en el olivar, / viento en la sierra). // Tierra / vieja / del candil / y la pena...

Terre sèche, / terre sage / des nuits immenses. // (Vent sur l'oliveraie, vent sur la montagne). // Terre / vieille / de la lampe / et de la peine... (Federico García Lorca, Poema de la Soleá)

 

Muerto se quedó en la calle / con un puñal en el pecho / No le conocía nadie. / Cómo temblaba el farol ! / Madre. / Cómo temblaba el farolito de la calle !...

Il est resté mort dans la rue / un poignard dans la poitrine / Personne ne le connaissait. / Comme tremblait la lanterne ! Mère. / Comme elle tremblait la petite lanterne de la rue !... (Federico García Lorca, Poema de la Soleá)

 

Era un niño que soñaba / un caballo de cartón. / Abrió los ojos el niño y el caballito no vio. / Con un caballito blanco / el niño volvió a soñar ; / y por la crin lo cogía... / Ahora no te escaparás !...

C'était un petit garçon qui rêvait / d'un cheval en carton. / Le petit garçon ouvrit les yeux et ne vit pas le petit cheval. / D'un petit cheval blanc / le petit garçon se remit à rêver ; / et par la crinière il le prenait... / Maintenant tu ne t'échapperas pas !... (Antonio Machado)

 

Une rue lisible. / Une fille / Sortie illuminer la lune. / Et des pays lointains, / Et des pays sans traces... // Un rêve salé. / Une voix / Qui creuse la hanche dans la pierre. / Va, mon amour, / Sur mes cils... ou sur les cordes. (Mahmoud Darwich, Air gitan

Le collectif Pour Le Moment, tout à la joie de ce premier succès soutenu par le Poquelin théâtre, prépare déjà une autre soirée. Rendez-vous au mois d'avril. 

* Julien Gobin est également auteur d'un essai récemment paru chez Gallimard,  L'individu, fin de Parcours ?.

* Le poème de Mahmoud Darwich n'est pas de ceux dits par Antoine Ricouard mais correspond bien à la mythologie andalouse, d'une rive à l'autre.

* La traduction de Lorca, copiée sur internet, laisse un peu à désirer mais qui suis-je pour retraduire ce génie de la littérature espagnole ?

 

mercredi 27 mars 2024

Tom Saja, Cette main qui tient le feu

Les premiers émois, les premiers vertiges dans le partage ou la malédiction du feu n'ont pas changé depuis le temps des cavernes. Le futur annoncé est aussi un brasier, une débâcle. "Des milliers de siècles plus tard / il bruine / sur le monde en ruines / il pleut / sur le monde en feu", écrit Tom Saja dans Cette main qui tient le feu.

Les mégalopoles, ces cocons trompeurs, ont remplacé les cavernes et il faut les quitter. Il y a urgence. Le temps n'attend pas. Le corps non plus, dont [l'oeil est en vrac et le poumon déforesté]. Mais l'amour est là ; il sauvera du mal. Commence un long voyage à deux dans un décor en déroute qui évoque les grands romans de l'avenir fracassé, (La Terre demeure de George R. Stewart par exemple). Après bien des péripéties dans une guimbarde bambocharde, avec pour unique boussole les "épaules caramel" de l'aimée, un havre enfin se profile. Défini ainsi dans le recueil, sur deux pages :

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Puis, encore :

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Il s'agit d'un lac à flanc de montagne dont l'eau "épouse la terre comme un jour nous épouserons aussi la terre", avec d'infinies patiences pour que l'amour porte des fruits pleins de promesses. Dans l'ardeur des [mains  qui tiennent le feu]. Et Tom Saja, tantôt presque bucolique et tantôt presque trash, de nous livrer une écriture où émotion et humour ont de beaux tutoiements.

Et l'enfant paraît avant que de naître, comme aux premiers souffles du monde, à mille lieues "du monstre aux dents de macadam".  Il cogne du poing dans la matrice alors que des "carpes imaginaires" brouillent la ligne du lac. La vie désormais s'organise à trois, dont il faut avitailler le corps et l'âme. Et l'inquiétude affleure entre les joies ordinaires des gâteaux et du chocolat. "l'amour est dans chaque recoin / la mort dans chaque angle mort". 

                                °                 °

                             -       -        -       -

___________________   __   _____________________ 

 

Et, plus tard, l'enfant aura grandi, le désir en lui comme "un dard invisible" portera loin ses regards et ses rêves. Avec toute la mémoire diffuse des ancêtres de ses ancêtres. Et sa main tiendra le feu. 

Cette main qui tient le feu de Tom Saja est un ensemble qu'on peut apparenter au récit et nous en aimons le mouvement qui déplace les lignes, en surface et en profondeur. A la faveur des étincelles que le lecteur ne manquera pas de saisir.

 

Extraits :

 

L'aube s'était drapée d'évidence

les oiseaux se découpaient dans les pointillés de la 

nuit

et les heures baignées de miel coulaient le long de nos

gorges endolories

 

le silence m'a laissé comprendre seul

qu'un matin tu partirais

*

Nous offrions la sueur du jour aux rivières vagabondes

avalions des boîtes de conserve froides

avant de dormir sous la chaude lune

dans le murmure des créatures

*

Chacun avait quitté sa campagne d'enfance

rejoint la digestion de la mégalopole

troqué l'ocre du chemin pour les bris de verre

fientes de pigeons et molards en attente

d'évaporation

 

nos pompes encore parsemées de la poussière d'antan

nos têtes à poux étrangères aux ciseaux d'argent 


L'ouvrage est publié aux éditions Exopotamie dans la collection Eclats avec une superbe huile sur toile en couverture signée Xarli Zurell. Il coûte 17 €.

 

samedi 23 mars 2024

Fiction politique, 12/09/2030, Les nouveaux dictionnaires


Les nouveaux dictionnaires de langue française sont arrivés. Ils comptent 250 pages. En version physique et numérique, cela représente une économie substantielle de Co2. Le gouvernement de Jordan Bardella se félicite de ce résultat qui démontre sa volonté de promouvoir une écologie ardente au service des citoyens français. 

Sous la présidence de Marion Maréchal, ministre de l'Education civique et morale, la commission de lexicographie a efficacement oeuvré pour le plus grand bien commun. Après avoir banni dès 2027 les vocables concernant l'écologie, elle a éliminé les champs sémantiques suivants :

Philosophie, Sociologie, Psychologie, Sexologie, Psychanalyse, Linguistique, Pédagogie, Economie, Droit des affaires, Presse, Anthropologie, Islamisme, Judaïsme, Communisme, Socialisme, Luttes sociales, Histoire coloniale, Féminisme, Etudes de genre, Poésie.

Ont été également supprimés les vocables d'origine arabe, soit 5% du lexique. L'éradication des vocables issus des autres pays africains est également prévue en 2031, sous la haute autorité de Pascal Praud, ministre de la Culture française populaire. 

Les citoyens ayant en leur possession l'ancienne version du dictionnaire sont aimablement priés de la ramener  au Comité de district du parti. Elle sera brûlée dans des incinérateurs à récupérateur d'énergie. Laquelle sera destinée à limiter l'impact environnemental de la glorieuse entreprise de déforestation conduite par Bouygues en Auvergne et dans le Vercors.

En son infinie bienveillance, Pascal Praud promet de n'engager aucune poursuite judiciaire contre les citoyens réfractaires sauf en cas de prosélytisme  pour l'un ou l'autre des champs sémantiques mentionnés ci-dessus. Une peine de travaux d'intérêt général de trois semaines est alors envisagée dans le cadre des activités du ministère de la Jeunesse et des Enfants de troupe. Les récidivistes seraient enrôlés pendant une année dans les grands chantiers extérieurs de la nation : construction de l'île artificielle de Bernard Arnaud, bienfaiteur de la Patrie, transformation du Cameroun en complexe agro-alimentaire robotiquement assisté, terraformation de la mer Méditerranée le long des côtes africaines... 

Enfin, à la demande de notre chère Christine Boutin, ministre de du Travail, de la Famille et de la Patrie, les contrevenants les mieux faits de leur personne devront s'acquitter de divers services lors des soirées libertines qu'elle organise avec Geoffroy Lejeune, notre très estimé ministre du Christ-Roi ressuscité...

Image : L'Espoir en lambeaux

 

jeudi 21 mars 2024

Fiction politique, 3/04/2029, Exécution de Aya Nakamura


La révolutionnaire ultra-gauchiste et wokiste Aya Nakamura a été guillotinée ce 3 avril sur le parvis de l'Etoile radieuse en présence de dix mille spectateurs. La cérémonie, filmée par la chaîne d'Etat Cnews, a été diffusée sur grand écran en toute place de Paris. Le gouvernement de la France   indivisible y a assisté dans son entier. Philippe de Villiers, ministre de la justice et de la reconquête morale et Christine Boutin, ministre du Travail, de la Famille et de la Patrie ont offert au public de beaux et vibrants discours. Le JDD est heureux de pouvoir vous les offrir dans leur intégralité sans supplément de paiement sur justificatif de nationalité française depuis dix générations.

Discours de Philippe de Villiers :

Mes chers patriotes,

La justice a tranché et sa lame ne tremblera pas. Dans quelques minutes, le temps que les baraques à frites finissent d'installer leurs stands, la civilisation de la France éternelle s'enrichira d'un nouveau succès. Je ne m'attarderai pas sur la honte absolue que représente la ci-devant condamnée pour le genre humain. Je vous sais convaincus de toutes les actions courageuses menées par notre gouvernement. Je vous sais réunis dans la même foi pour l'élévation morale. La lame de la justice, ce glorieux airain contre les faibles et les dégénérés, nous rapproche un peu plus chaque jour de l'esprit divin. Dans quelques mois, après un procès équitable et totalement transparent, ce sera au tour de Bilal Hassani de rejoindre en enfer la ci-devant condamnée et les frites, nous y veillerons, seront encore meilleures. Enfin, après la bénédiction urbi et orbi de Monseigneur de La Fraternité sacerdotale, n'oubliez pas que les vendeurs de bière estampillés Puy-du-Fou vous attendent aussi sur la place.

Discours de Christine Boutin :

Mes chers enfants,

Vous connaissez les valeurs humanistes qui guident mon action politique depuis plus de cinquante ans. J'en parlais encore ce matin à l'hologramme de Josemaría Escrivá de Balaguer, mon confesseur, en sirotant quelques coupes d'Arbois. L'exécution à laquelle vous allez assister n'est pas l'expression d'une vengeance aveugle au nom d'une idéologie délétère mais la volonté suprême du peuple qui a porté triomphalement notre présidente au pouvoir après des décennies de chaos. Je sais la valeur de votre courage et la grandeur de votre engagement afin de poursuivre notre entreprise de purification pour transcender notre vivre-ensemble français. Une tête mal faite roulera bientôt dans la poussière et, dans le même temps, une nouvelle étoile au cristal sans tache illuminera le ciel. A genoux mes enfants, et abreuvons-nous de sa sainte lumière. Enfin, je signale, à côté des vendeurs de frites et de bière, la guinguette dédiée au château des Nonnes qui pètent, premier cru de Haut-Marbuzet 2025. Sur présentation de la carte de notre parti, à jour de cotisations, vous bénéficierez d'une ristourne de 50 % et les financiers à l'effigie de feue Sa Majesté Marie-Antoinette sont gratuits. Amen !

Image : L'Espoir en lambeaux

Fiction politique, 28/06/2027, Le RN gagne les élections législatives


Après avoir remporté l'élection présidentielle avec près de 54 % des suffrages, Marine Le Pen et le Rassemblement National ont obtenu 167 sièges lors des législatives du 28 juin. Le Premier ministre Jordan Bardella devra donc trouver une force d'appoint dans les rangs des Républicains (37% des votes). Eric Ciotti, Laurent Wauquiez et Rachida Dati ont déjà donné leur accord de principe. 

Le gouvernement nommé dans la foulée de la présidentielle ne sera pas remanié. En voici les principaux ministères :

Ministre de l'Intérieur et des Citoyens : Didier Lallemant

Ministre des Armées ardentes : Général d'Armée Pierre de Villiers

Ministre de la Justice et de la reconquête morale : Philippe de Villiers

Ministre de l'Education civique et morale : Marion Maréchal 

Ministre du Christ-Roi ressuscité : Geoffroy Lejeune

Ministre de la Culture française populaire : Pascal Praud

Ministre du Travail, de la Famille et de la Patrie : Christine Boutin

Ministre de la Jeunesse et des Enfants de troupe : Bruno Retailleau

Ministre de la Révision constitutionnelle : Charlotte d'Ornellas 

Ministre des relations africaines : Eric Zemmour 

Ministre plénipotentiaire des relations avec la Russie : Donald Trump

Dans la foulée de cette législative unique dans l'histoire de France, Charlotte d'Ornellas a rappelé avec émotion l'engagement de la présidente de la République dans le vaste chantier de la Révision constitutionnelle. En voici les cinq priorités :

- Création de 10 centres de rétention pour les migrants à Calais, Caen, Fréjus, Perpignan, Nîmes, Avignon, Gardanne, Béziers, Toulon et Marseille.

- Création de 10 centres de rétention pour les SDF à Paris, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice, Cannes, Rennes, Tours et Orléans.

- Révision de la loi sur l'avortement et les fausses couches.

- Rétablissement de la peine de mort.

- Dépanthéonisation de : Jean-Jacques Rousseau, Voltaire, Emile Zola, Victor Schoelcher, Victor Hugo, Jean Jaurès, Missak et Mélinée Manouchian, Simone Veil et Robert Badinter. Et panthéonisation de : Michel Sardou, Line Renaud, Vincent Bolloré, Jair Bolsonaro et Vladimir Poutine.

- Suppression dans tous les dictionnaires de langue française de tous les vocables concernant l'écologie. 

Image : L'Espoir en lambeaux


lundi 18 mars 2024

POUR LE MOMENT, collectif de poésie hexagonale

Le mardi 20 février 2024, par temps clair et chats alanguis, Rémi Letourneur rend visite à Brigitte Giraud. Pour un projet à la fois humble et ambitieux : créer à Bordeaux un collectif de poésie. Avec à l'esprit la citation de Torga : "L'universel, c'est le local moins les murs." Du reste, Patrice Maltaverne de Lorraine et Elodie Loustau de Toulouse sont intéressés par l'aventure. Parmi les Girondins, Thibault Martouret, Christophe Marejano et Hadrien Schmitt se joignent à la troupe.

Brigitte Giraud et moi-même sommes rapidement séduits par Rémi Letourneur. Il souhaite un collectif animé dans la simplicité et la joie, ouvert au plus grand nombre et à la transversalité des propositions. Avec le soutien de Jean-Claude Meymerit, tenancier à Bordeaux du Poquelin Théâtre depuis plus de vingt ans, il propose un premier événement du collectif sous la halle du marché des Douves dans le quartier Saint-Michel le 27 mars de 18 heures à 21 heures. Dinah Ribard, auteure de Le Menuisier de Nevers. Poésie ouvrière, fait littéraire et classes sociales ; éditions Le Seuil-Gallimard, a généreusement accepté de participer à la soirée. Ensuite, le collectif lira des textes, toutes sortes de textes, accompagnés au piano par Christophe Marejano. Un moment d'échanges avec le public est également prévu après l'exposé de Dinah Ribard et il sera même possible de boire un café. 

Quelques jours plus tard, sous un soleil précoce, nous nous rencontrons à la terrasse d'un bar et nous trouvons, presque par hasard, le nom du collectif : POUR LE MOMENT.

POUR LE MOMENT, c'est ici et maintenant, ici et ailleurs, dans l'instant du passé qui commence demain matin et dans l'instant du futur en bourgeons depuis des siècles et des siècles. C'est une histoire de mots et de musiques suspendus dont la fugacité tutoie l'éternité. Pour dire quelque chose ou ne rien dire quand le silence nous assourdit, quand le flou et la transparence brouillent les lignes avec ou sans contours. 

Lors de cette deuxième entrevue, Brigitte Giraud propose que Caroline Ducau-Martin, comédienne au regretté théâtre des Tafurs qui sut répandre la poésie dans la ville, entre dans l'équipée. Proposition aussitôt acceptée. 

Au mois de juin, le collectif publiera numériquement le premier numéro de sa revue, avec la même ouverture à la diversité textuelle et culturelle. Début d'un voyage au long cours, en eau douce comme en eau salée, avec ses escales de palabres et de vins, de rêves et de volontés. Sans oublier le "piano du pauvre", à queue ou noué autour du cou. 

Petites infos sur les membres du collectif :

Rémi Letourneur : Enseignant en sciences humaines à Bordeaux. A publié dans plusieurs revues de poésie dont La page blanche de Matthieu Lorin et Traction-Brabant de Patrice Maltaverne. 

Thibault Martouret : Maître de conférence en anglais à l'université Bordeaux-Montaigne. Derniers ouvrages publiés : Smog rosé, éd Atelier de l'agneau (2021) et Les Enfants masqués, éd Abordo (2023).

Brigitte Giraud : Poète et plasticienne. Derniers ouvrages publiés : Aime-moi, éd Al Manar (2018), prix Vénus Khoury-Ghata et Toutes les nuits sont pleines de lunes, éd Al Manar (2024).

Jean-Claude Meymerit : Metteur en scène, directeur de théâtre en "faubourg" et journaliste à Sud Ouest. A mis en scène de nombreux auteurs dont Nicolas Gogol, Samuel Beckett et Claude Bourgeyx.

Hadrien Schmitt : Enseignant en école de commerce et de communication à Bordeaux. Membre du comité de la revue Revu qui pratique "l'usinage des sentiments liquides par découpe abrasive".

Patrice Maltaverne : Fondateur de la revue Traction-Brabant (95 numéros).  Derniers ouvrages publiés : Des ailes suivi de Nocturne des statues, éd  Z4 (2019) et Jeunes et vivants, éd de l'Alisier blanc (2021).

 Christophe Marejano :  Pianiste classique et ingénieur du son à Paris. A composé de nombreuses musiques de films et documentaires dont Le poids des mensonges (2017) et Substance Noire (2021).

Caroline Ducau-Martin : Comédienne. A porté de nombreuses voix poétiques au théâtre avec François Mauget : Antoine Emaz, Charles Pennequin, Valérie Rouzeau, Jean-Claude Pirotte, Murièle Modély...

Elodie Loustau : Pianiste et claveciniste, chanteuse lyrique et baroque, musicologue. Derniers ouvrages publiés : S'effacer, éd Encres Vives (2017) et Cracher le silence, éd Rosa Canina (2023)

Dominique Boudou : Derniers ouvrages publiés : Choses revues dans Bordeaux et ailleurs, éd Aux cailloux des chemins (2021) et Mis pasos son mis versos / Mes pas sont mes vers, éd Tarmac (2023). 

Image : Proposition d'affiche de Brigitte Giraud

dimanche 17 mars 2024

Ian McEwan, Leçons

 

Roland Baines aurait pu devenir un poète reconnu mais il ne l'est pas devenu. Roland Baines aurait pu devenir un pianiste réputé  mais il ne l'est pas devenu. Sa poésie  s'est réduite à quelques vers de mirliton sur des cartes de voeux et des faire-part de mariage qui l'ont un temps sorti de la dèche. Sa musique a fini par s'éteindre dans l'ambiance trop feutrée de quelques hôtels de luxe. Il a raté sa vie. Il a raté ses amours aussi.

Elles commencent au collège où il est pensionnaire, avec sa professeure de piano, Miriam, qui l'initie à tous les jeux du sexe. Mais c'est une relation dangereuse. L'adolescent sous influence se détourne de ses études, végète au fil de petits boulots sur des chantiers lors des voyages qu'il fait un peu partout, sac au dos et les poches vides.

Puis il rencontre Alissa, une jeune femme de nationalité allemande l'épouse et conçoit un enfant avec elle : Lawrence. Au bout de quelques mois, Alissa décide de tout plaquer, et le mari et le bébé. Elle reproche à Roland de ne pas être à la hauteur des promesses qu'il portait en lui et s'est aussi lassé de sa frénésie sexuelle, héritage néfaste de ses années troubles au collège. Elle ne veut pas finir comme sa mère, soumise à son mari après avoir renoncé à une carrière de journaliste (enquête sur la résistance de La Rose blanche au nazisme avec Hans et Sophie Scholl). Elle reprendra le flambeau  et sera une auteure de renommée internationale.

Tant bien que mal, Roland tient le choc. Entre quelques aides sociales et plusieurs emplois dont celui de professeur de tennis, il assure au mieux la subsistance de son fils et la sienne. Un couple d'amis (Peter et Daphné) avec des enfants du même âge que Lawrence le soutient, pendant de nombreux repas très arrosés. L'occasion pour passer en revue les soubresauts politiques de l'Angleterre thatchérienne et d'imaginer une liaison avec Daphné...

Leçons de Ian McEwan est un grand roman familial qui traverse plusieurs générations, de la deuxième guerre mondiale aux années des confinements covidiens. Avec ses secrets extra-conjugaux et ses douleurs tues, ses petites joies et ses petites bassesses. Au Royaume-Uni et en Allemagne côté est et côté ouest. La chute du mur de Berlin, à laquelle Roland assiste malgré lui, éperdu dans son désir obsessionnel de retrouver Alissa, est brillamment narrée avec l'émotion à fleur de larme. Parmi bien d'autres événements, la catastrophe de Tchernobyl en 1986, les attentats du 11 septembre à New York et ceux du métro de Londres en 2005.

Le roman consacre aussi de nombreuses pages à la souffrance économique et sociale sur fond de libéralisme effréné et de renoncements progressifs  à la volonté de construire une vie meilleure pour tous... La soumission, comme l'âge venant, courbe lentement les échines et la mémoire. On s'arrange avec le bricolage dans l'ordinaire des jours, les rêves n'ont plus guère de futur.

Seul le jeune Lawrence, brillant mathématicien et fervent défenseur de la cause écologique en Allemagne, peut espérer en concrétiser quelques-uns. Loin de son père qui franchit tant bien que mal le cap des soixante-dix ans. Et loin de sa mère de papier dont le nom circule pour le prix Nobel de littérature...

 

Extrait : 

" Le couple, un engin de torture, offrait d'immenses possibilités, autant de variantes de la folie à deux. Chacun en connaissait des exemples, et celui de Roland était une construction ingénieuse. Daphné, sa meilleure amie, lui avait mis les points sur les "i" un soir, longtemps avant le départ d'Alissa, quand il avait avoué se sentir déprimé depuis des mois. "Tu as brillamment réussi aux cours du soir, Roland. Toutes ces matières ! Mais dans tout ce que tu as essayé d'autre, tu as voulu être le meilleur au monde. Piano, tennis, journalisme, maintenant la poésie. Et encore, je ne connais pas le reste. Dès que tu découvres que tu n'es pas le meilleur, tu jettes l'éponge et tu te détestes. Idem avec les femmes. Tu demandes trop et tu vas voir ailleurs. Ou bien c'est elle qui ne supporte pas cette quête de perfection et qui te largue."

Lisez sans modération ce roman où la musique et la littérature s'invitent tout du long puis, lorsque vous aurez refermé le livre à la page 650, laissez-vous porter par les rumeurs du silence. Et, à quatre mains avec Ian McEwan, vous continuerez d'écrire le livre. 

Leçons de Ian McEwan, traduit de l'anglais par France Camus-Pichon, est publié chez Gallimard. Il coûte 26 €.

dimanche 10 mars 2024

Siri Hustvedt, Procréation, placenta, chimérisme...

Dans son essai Que veut un homme ? , Siri Hustvedt évoque la perception de l'enfantement ante partum et post partum depuis les philosophes grecs jusqu'à l'obstétrique contemporaine et les délires techno-numériques. Elle démontre que les vieilles oppositions dehors / dedans, pur / impur, masculin / féminin continuent de biaiser les percepts et les concepts, surtout dans les pays où les droits des femmes à disposer librement de leur corps sont de plus en plus menacés, souvent au nom de principes religieux obscurantistes. Patriarcat et misogynie, y compris en France, font toujours entendre leurs voix égrillardes et les réseaux sociaux relaient d'insupportables immondices. Rien n'est jamais acquis à l'homme et surtout à la femme.

" Le poète grec Hésiode écrivit sa Théogonie de 730 à 700 avant notre ère. Son paradis est un monde sans femme où les hommes vivent en harmonie avec les dieux. Zeus punit Prométhée pour avoir donné le feu au genre humain... Pandore ouvre sa grande jarre aux rondeurs de femme enceinte et donne naissance au malheur en laissant s'en échapper les maux et la mort... L'historien et anthropologue Jean-Pierre Vernant notait ceci : "Ce rêve d'une hérédité purement paternelle n'a jamais cessé de hanter l'imagination grecque." Si seulement les hommes pouvaient se reproduire seuls, tant de tourments de la vie seraient alors éliminés... Vernant cite également Eschyle : "Ce n'est pas la mère qui enfante l'être qu'on appelle son enfant...Celui qui enfante, c'est l'homme qui féconde ; la mère...sauvegarde le jeune plant."

" En 2017, les médias ont fait grand cas d'une innovation ayant pour nom "biobag", soit un sac rempli d'un fluide amniotique artificiel, oxygéné par un cordon ombilical artificiel, qui a permis de maintenir vivants plusieurs semaines durant des agneaux extrêmement prématurés... L'intelligence  artificielle a entretenu le désir de transcender la reproduction organique en "donnant" des enfants nés d'un effort mental de très longue haleine. A l'instar de Zeus, les scientifiques feront sortir de leurs fronts pensifs une progéniture consciente, sans qu'aucun corps féminin ne soit ici nécessaire... Ray Kurzweil, un gourou de la haute technologie, écrit : "A l'avenir, nous pratiquerons le clonage thérapeutique, une technologie très importante qui évite le concept de foetus."

" La gestation implique bien plus qu'un sac rempli de fluide ou bien plus que le concept de foetus... "Une conversation croisée moléculaire se déroulant à l'interface foeto-maternelle a pour protagonistes de nombreux types de cellules différentes... Les mécanismes  précis de ces "conversations" n'ont pas été découverts, mais une grande partie de la signalisation et de la négociation cellulaires se déroule durant la grossesse entre les cellules maternelles et l'amas fertilisé de cellules qui peuvent ou non former un embryon et le placenta... De nombreuses strates de communication sont requises pour que débute et se poursuive la grossesse, des strates qui sont probablement souvent uniques chez les humains." [Gendie E. Lash, début d'article publié en 2015 dans les Cold Spring Harbor Perspectives in Medicine]

" Le placenta semble contrôler la migration des cellules de la mère au foetus et du foetus à la mère, un phénomène appelé microchimérisme... En biologie, une chimère est un individu, un organe ou une partie du corps dont les tissus sont d'une constitution génétique différente, un mélange, un mixte... En 2012, des découvertes fondamentales furent faites au sujet du microchimérisme. Le New Scientist titra : L'adn du fils découvert dans le cerveau de la mère. Le Smithsonian alla encore plus loin : Les cellules du bébé peuvent manipuler le corps de la maman des décennies durant. On ignore encore comment ces cellules ont une incidence sur la santé de la mère. Les cellules peuvent jouer un rôle en améliorant la fonction immunitaire de la mère ; elles peuvent aussi jouer un rôle dans certaines maladies... L'idée selon laquelle de l'adn masculin pourrait se retrouver dans le corps d'une femme, faisant d'elle une sorte de monstre, le résultat d'un mélange d'adn féminin et d'adn masculin, a fait les gros titres - une invasion étrangère ! Oh mon Dieu, la femme a un homme en elle ! Une circulation cellulaire dans l'autre sens n'a pas fait la une des journaux. Un homme avec de l'adn féminin ! Mais ce dont témoignent ces manchettes, c'est d'un sentiment général d'inquiétude et de surprise face à ces mélanges d'adn féminin et d'adn masculin - ce qui est après tout l'essence même de la reproduction humaine : le deux-en-un. L'hystérie générale était causée par le fait que l'adn foetal masculin était entré dans le cerveau de la mère, dans son esprit - ce lieu sanctifié des idées, loin de l'humble utérus." 

Image : Francis Bacon, Etude de personnage n°2, 1945-1946. En écho à ce que dit Siri, il observe : "Je me considère comme une espèce de machine pulvérisatrice dans laquelle est introduit tout ce que je regarde et tout ce que je sens."